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Les cryostats du commerce

Au départ, la politique de l'ILL était d'acheter les cryostats disponibles sur le marché [1]. Les directeurs en avaient vus ou utilisés dans divers laboratoires et pensaient donc que cela ferait l'affaire. Nous allons voir qu'il n'en était rien que la conception des cryostats a beaucoup évoluée grâce à l'ILL.

Cryostats "Bottom loading"

(Chargement de l'échantillon par le bas)

Cryostats CT14 de Cryogenics Associates (de couleur bleue). Ils venaient des USA et étaient très utilisés à Brookhaven au début des années 70. L'échantillon était monté dans une boîte scellée fixée sur le réservoir d'hélium liquide. Pour changer l'échantillon il fallait donc vidanger l'hélium liquide, vidanger l'azote liquide, réchauffer le tout, ouvrir la boîte scellée, puis faire l'opération inverse, ce qui prenait 6 heures au moins. C'était acceptable pour les réacteurs de faible puissance où les expériences durent des semaines ou des mois, mais pas pour l'ILL. C'est encore plus vrai maintenant car le rythme s'est accéléré, les instruments de l'ILL ayant gagné en moyenne un facteur 25 en efficacité.

Cryostats "top loading"

(Chargement de l'échantillon par le haut)

Cryostat TBT/Air Liquide (de couleur noire). Sur la photo on distingue la canne échantillon au centre et un dispositif de contrôle de température plutôt simpliste.

Cryostats Stoehr (acier inox non peint). Ils sont décrits par Ron Ghosh comme "énormes, lents et pénibles à utiliser".

R. Mossbauer (Dir. de l'ILL) était très copain avec Wiedemann, le chef du Walter Meissner Institut (WMI) à Munich et avait confiance en lui. Tous deux ont décidé de sous-traiter les cryostats pour l’ILL à Stoehr dont l'usine d'Augsburg était une ancienne fabrique de bidons à lait. A. Heidemann pense avoir influé sur le design initial car, en année sabbatique de Garching à l’ILL, il a réclamé à Mossbauer pour IN10 un cryostat "top loading", à température variable et à queue fine (50 mm). Quand les divers cryostats commandés par l'ILL ont été prêts, Anton Heidemann et David Wheeler (tout juste embauché à l'ILL) sont allés les réceptionner chez Stoehr à Augsburg.

Le cryostat Stoehr de IN10 a marché plutôt bien et a été utilisé assez longtemps mais au prix de fortes modifications par l'ILL car Anton Heidemann se souvient de cette maxime de l'époque :

"Stoehr-Kryostaten muss man entstören, damit sie funktionieren"
Un cryostat Stoehr ne fonctionne pas, il faut d'abord le "dé-perturber"
La blague en Allemand repose sur une similitude de pronociation entre "Stoehr" et "entstören"

Klaus Gobrecht confirme et précise qu'il fallait 4 semaines de travail pour rendre un Stoehr opérationnel. Les énormes problèmes rencontrés par l'ILL avec ce matériel sont décrits en détail dans un échange de lettres musclé [2] et ont surement beaucoup contribué à l'avènement du cryostat orange.

Cryostats Oxford Instruments (de couleur bleu-clair métallique, au moins au début) : ils sont arrivés plus tardivement, principalement avec les cryoaimants.

Vers le cryostat orange

(L'anti-cryostat ou anti-Dewar)

Dominique Brochier et Serge Pujols confirment ce que disent les rapports annuels de 1972 et 1973. Certains de ces cryostats commerciaux marchaient mal et nécessitaient un trop gros effort de mise en route de la part du service cryogénie de l'ILL (4 semaines selon Klaus Gobrecht). Globalement, ils étaient très mal adaptés au rythme rapide des expériences sur le réacteur à haut flux de l'ILL et ils étaient également trop délicats d'emploi pour des expérimentateurs néophytes en cryogénie.

Il faut se souvenir qu'à cette époque, il n'y avait pas encore de sonde supraconductice pour la détection du niveau d'hélium mais des sondes Taconis, cauchemar des utilisateurs débutants, les régulations de température marchaient vraiment très mal, etc.

Tout ceci ouvrait la voie au fameux Cryostat Orange de l'ILL.

Références