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Recherche sur les batteries : utiliser les neutrons et les rayons X pour analyser le vieillissement des batteries au lithium

7 février 2020

Une équipe internationale a utilisé la tomographie à neutrons et aux rayons X pour étudier les processus dynamiques qui conduisent à une dégradation de la capacité des électrodes des batteries au lithium. Grâce à un nouvel algorithme mathématique, des électrodes embobinées sous la forme d'un cylindre compact ont pu être déroulées virtuellement, afin d'observer ce qui se produit à leur surface. L'étude a été publiée dans Nature Communications.

Les batteries au lithium sont présentes partout : elles alimentent les smartphones, les ordinateurs portables, les vélos électriques et les voitures, en stockant l'énergie dans un très petit volume. Ce compactage est généralement obtenu en enroulant de fines couches superposées d’électrodes en cylindre. En effet, les électrodes doivent conserver une grande surface afin de maximiser leur capacité et la rapidité de leur charge.

Rayons X et tomographie neutronique combinés

Pour la première fois, une équipe internationale de chercheurs du Helmholtz-Zentrum à Berlin et de l’University College London a étudié la surface des électrodes pendant le chargement et le déchargement des batteries en combinant deux méthodes de tomographie complémentaires. En étudiant des données fournies par les sources neutroniques de l’HZB BER II (instrument CONRAD) et de l’Institut Laue-Langevin (ILL), en complémentarité avec l’utilisation de la tomographie à rayons X à l'European Synchrotron Radiation Facility (ESRF) à Grenoble, les chercheurs ont pu analyser la microstructure des électrodes et détecter les déformations et discontinuités qui se développent au cours des cycles de charge.

« La tomographie à neutrons a permis d'observer directement la migration des ions lithium et de déterminer comment la distribution de l'électrolyte dans la cellule de la batterie évolue dans le temps », explique le Dr Ingo Manke, expert en tomographie au HZB, une des meilleures stations de tomographie au monde.

Alessandro Tengattini, scientifique instrumentaliste sur NeXT-Grenoble, une nouvelle station d'imagerie à l'ILL, ajoute : « Nous exigeons toujours plus d'énergie de nos appareils électroniques. Pour les rendre plus efficaces et sûrs, nous devons comprendre les fluctuations mineures qui se produisent à l'intérieur des batteries tout au long de leur vie. La technique d'électro-déroulement nous a permis d'analyser l'intérieur des piles, pendant leur utilisation, afin d’identifier des fluctuations minuscules au micromètre près. Le lithium est un élément léger qui est donc difficilement analysé par rayons X. En combinant ces derniers avec le haut flux de neutrons de l'Institut Laue-Langevin (ILL), les chercheurs ont pu étudier les propriétés électrochimiques et mécaniques en jeu, même pendant l'utilisation des batteries lithium-ion. »

Développé grâce à une collaboration récente entre l'Institut Laue-Langevin et l'Université Grenoble-Alpes, l'instrument NeXT-Grenoble permet l'acquisition simultanée de données grâce à la tomographie aux rayons X et la tomographie neutronique. Une version améliorée de l'instrument est actuellement en cours de développement grâce à un nouveau partenariat avec le Helmholtz-Zentrum Berlin.
 

Le déroulement virtuel de la batterie

Les enroulements cylindriques de la batterie sont difficiles à examiner quantitativement. Pour étudier les processus dans les différentes sections de l’enroulement, un nouvel algorithme mathématique a été développé au Zuse-Institut de Berlin afin de permettre aux physiciens de dérouler virtuellement les électrodes de la batterie. 

« L’algorithme était à l'origine destiné à dérouler virtuellement des rouleaux de papyrus », explique Manke. «Mais dans ce cas, il a permis d’examiner ce qui se passe dans ces batteries compactes densément enroulées.»

Le Dr Tobias Arlt de HZB complète : « C’est la première fois que nous appliquons l'algorithme à une batterie lithium typique, disponible dans le commerce. Nous avons modifié et amélioré le modèle pour plusieurs étapes rétroactives en collaboration avec des informaticiens du Zuse-Institut. »
 

Des problèmes identifiés

Les problèmes caractéristiques des batteries embobinées ont pu être étudiés à l'aide de cette technique singulière. Les chercheurs ont ainsi montré que les enroulements intérieurs présentent une activité électrochimique complètement différente (et donc une capacité différente) des enroulements extérieurs de la batterie. De plus, les parties supérieures et inférieures de la batterie se comportent chacunes très différemment. Les données neutroniques ont également identifié des zones où un manque d'électrolyte se développe, ce qui limite fortement le fonctionnement des sections d'électrode respectives. De plus, les chercheurs ont montré que l'anode ne se charge et se décharge pas en lithium de manière équivalente sur toute sa surface.  

« Nous avons développé un outil unique pour regarder l'intérieur d'une batterie pendant son fonctionnement et analyser où et pourquoi les pertes de performances se produisent. Cela nous permet de développer des stratégies spécifiques pour améliorer la conception des batteries en bobine », conclut Manke.

Tengattini ajoute : « Comme pour toutes les ressources limitées, nous nous attendons à ce que la «révolution électrique » conduise à une demande accrue en batteries lithium-ion, pour moins de ressources. Pour y répondre nous devons comprendre ce qui se passe au cœur de ces cellules. »

(1) travaux financés grâce au Programme d’Investissements d’Avenir, IRT Nanoelec, ANR-10-AIRT-05.

Re. : Nature communications (2019): 4D imaging of Li-batteries using operando neutron and X-ray computed tomography in combination with a virtual unrolling technique

Ralf F. Ziesche, Tobias Arlt, Donal P. Finegan, Thomas M. M. Heenan, Alessandro Tengattini, Daniel Baum, Nikolay Kardjilov, Henning Markoetter, Ingo Manke, Winfried Kockelmann, Dan J. L. Brett, Paul R. Shearing

Instrument : NeXT-Grenoble/D50 Instrument

Contact : Dr A. Tengattini, ILL