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Les neutrons contribuent à expliquer l'intoxication à l'ozone et ses liens à des milliers de morts prématurées

10.04.2013

Une étude effectuée par des chercheurs du Birkbeck College, Université de Londres, a utilisé les sources neutroniques de l'ILL et d'ISIS, leaders mondiaux en science neutronique, pour démontrer les attaques de l'ozone sur les fluides à la surface des poumons.

Une équipe de chercheurs des Collèges Birkbeck et Royal Holloway de l'Université de Londres et l'Université Uppsala en Suède, contribue à expliquer comment l'ozone entraîne chaque année de sérieux problèmes respiratoires et des milliers de morts prématurées en attaquant l'enveloppe grasse de nos poumons. Dans une étude publiée dans la revue Langmuir, l'équipe a utilisé les neutrons de l'Institut Laue-Langevin à Grenoble et la source de neutrons britannique ISIS pour observer comment une dose relativement faible d'ozone attaquait les molécules lipidiques qui recouvrent la surface du poumon.  La présence de molécules lipidiques est cruciale pour l'échange de dioxyde d'oxygène et de carbone car elles empêchent les surfaces humides de s'effondrer.

L'ozone est généralement produite dans la haute atmosphère lorsque les rayons ultraviolets du soleil divisent les molécules d'oxygène, mais elle peut également se former au niveau du sol suite à la combustion de combustibles fossiles.  Elle est connue pour nuire aux systèmes respiratoires et est liée à l'asthme, aux bronchites, aux crises cardiaques et autres problèmes cardio-pulmonaires.  Une étude récente publiée par le Bloomberg School’s Department of Environmental Health Sciences des Etats-Unis (Département des Sciences de la Santé Environnementale de l'Ecole Bloomberg) a découvert que des réglementations plus strictes concernant les émissions d'ozone aux États-Unis pourraient empêcher plus d'un milliers de morts prématurées et plus d'un million de problèmes respiratoires chaque année.  

Cependant, on ignore encore exactement comment l'ozone cause ces dommages.  L'une des théories est que l'ozone attaque les couches superficielles du poumon, qui sont composées d'eau située sous un mélange de molécules graisseuses appelées lipides et protéines, qui, ensemble, forment ce que l'on appelle le surfactant pulmonaire. Ce mélange contribue à l'échange de dioxyde d'oxygène et de carbone lors de la respiration, en réduisant la tension superficielle, c'est-à-dire l'attirance des molécules les unes vers les autres, dans la couche superficielle, ce qui fait que ces fluides se propagent et fournissent une plus grande zone superficielle pour l'échange gazeux.

De manière critique, un manque de surfactant adéquat, une déficience souvent trouvée naturellement chez nouveau-nés prématurés, peut produire des problèmes respiratoires similaires à ceux mentionnées précédemment, entraînant même la mort dans certains cas. Ce lien a également été établi en 2011 par cette même équipe de Birkbeck qui a montré que l'ozone réagissait fortement avec la couche lipidique, en l'endommageant. Cependant, ce qui se passe exactement et la manière dont ces réactions peuvent empêcher le surfactant de faire sont travail n'est toujours pas clair.

Pour poursuivre leurs recherches, le Dr Katherine Thompson de Birkbeck et son équipe ont effectué des études de réflexion neutronique à l'Institut Laue-Langevin à Grenoble et à la source neutronique ISIS à Oxfordshire sur une monocouche lipidique artificielle, créée pour imiter la surface pulmonaire.  La couche lipidique a été exposée à un mélange gazeux dilué d'ozone, et les changements de sa structure ou tension superficielle ont été étudiés en temps réel.  La concentration d'ozone était environ de 100 parts pour un milliard (0.1 ppm), équivalente à ce que l'on peut trouver dans une ville polluée en été. 
Pour le Dr Thompson, l'utilisation des neutrons signifiait qu'elle pouvait marquer différentes parties de l'échantillon en utilisant la deutération, un processus qui consiste à introduire un isotope d'hydrogène plus lourd et de les comparer à un échantillon non deutérié pour repérer la localisation des atomes d'hydrogène. Cela leur a permis de contrôler séparément les parties des molécules lorsqu'elles réagissent avec l'ozone.

En utilisant cette technique, l'équipe du Dr Thompson a montré que l'une des queues supérieures du lipide, connue comme la partie C9, se rompait pendant la dégradation par l'ozone et disparaissait complètement de la surface. La partie qui restait attachée à la tête du lipide se réorientait alors et pénétrait dans l'interface air-eau. La perte de la partie C9 entraîne une diminution initiale de la tension superficielle qui augmente temporairement la zone superficielle pour l'échange gazeux et une respiration efficace.  Cependant, cet effet est de courte durée étant donné que la pénétration du reste de la molécule dans l'eau entraîne une augmentation lente mais prononcée de la tension superficielle, à un niveau qui produit finalement une nette augmentation.  
La prochaine étape pour Katherine et ses collègues consiste à chercher à adapter le modèle pour représenter la condition des personnes souffrant de différentes formes de problèmes respiratoires chroniques, et d'essayer de comprendre pourquoi l'ozone semble affecter plus sévèrement les uns que les autres.  

Citations

Dr Katherine Thompson, Birkbeck, Université de Londres: “Nous ne sommes pas complètement certains de l'origine de la seconde étape, c'est-à-dire l'augmentation de la tension. Le lipide endommagé pourrait se dissoudre lentement dans l'eau et quitter complètement l'interface, ou une réaction lente pourrait se produire qui endommage une autre partie du lipide qui n'est pas directement attaqué par l'ozone.  Ce que nous pouvons dire, c'est que la lente augmentation de la tension superficielle qui apparaît suite à l'exposition à l'ozone endommage certainement la capacité de nos poumons à traiter le dioxyde d'oxygène et de carbone, et pourrait être à l'origine des problèmes respiratoires liés à l'intoxication à l' ozone.”

Dr Richard Campbell, de l'Institut Laue-Langevin : “Les neutrons sont un outil idéal pour étudier les matériaux biologiques, en particulier leurs réactions et interactions sur les surfaces et aux interfaces. Ils sont hautement sensibles aux atomes légers comme le carbone, l'hydrogène et l'oxygène ce qui fait que ces molécules organiques et le marquage isotopique peuvent être utilisés pour déterminer la structure et la composition des couches interfaciales. En tant que source neutronique la plus intense au monde, l'ILL a déjà une longue histoire de la modélisation des processus importants à micro-échelle qui se déroulent dans notre corps et fournissent des informations innovantes qui sont à la base de la prochaine génération de traitements.”


Re.:Langmuir, DOI: 10.1021/la304312y

Contact:Mr James Romero  +44 8456801866


Notes to editors

  1. Health Benefits from Large-Scale Ozone Reduction in the United States –  Berman et all, Oct 2012
  2. L'ILL – L'Institut Laue-Langevin (ILL) est un centre de recherche international situé à Grenoble, France. Il est le leader en science et technologies neutroniques depuis près de 40 ans, les premières expériences ayant été réalisées en 1972. L’ILL exploite l'une des sources de neutrons les plus puissantes au monde, qui alimente un parc de 40 instruments de pointe qui sont constamment modernisés. Chaque année, 1 200 chercheurs de plus de 40 pays viennent à l'ILL pour faire des recherches en physique de l'état condensée, chimie, biologie, physique nucléaire et science des matériaux. Il est principalement financé par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Des accords de collaboration scientifique existent également avec 11 autres pays.