print

Regarder à l’intérieur des cellules de batterie : le pouvoir de combiner différentes vues

- News, Energy, Scientific news, D50-NeXT, Austria, France

Il est de notoriété publique que les batteries se dégradent avec l’usage. Comprendre précisément comment cela se produit et comment atténuer ce phénomène est un domaine de recherche de pointe. Une avancée importante vient d’être publiée dans la revue Energy and Environmental Science.

Mise en situation

Il est de notoriété publique que les batteries se dégradent avec l’usage. Comprendre précisément comment cela se produit et comment atténuer ce phénomène est un domaine de recherche de pointe. Une avancée importante vient d’être publiée dans la revue Energy and Environmental Science.  En travaillant avec une batterie de qualité commerciale, une équipe de chercheurs réunissant l’industrie et le milieu universitaire a utilisé l’imagerie neutronique et à rayons X pour identifier un effet concret qui dégrade les performances. Étonnamment, cet effet particulier n'apparaît pas avec le vieillissement : il est présent dès la première utilisation de la batterie.

Les batteries lithium-ion sont actuellement la source principale d'énergie électrique dans les appareils mobiles, et la technologie clé pour la mobilité électrique et le stockage d'énergie. Des efforts de recherche interdisciplinaires massifs sont en cours pour développer des alternatives pratiques plus durables et respectueuses de l'environnement, et pour concevoir des batteries plus sûres, plus performantes et plus pérennes, en particulier pour les applications exigeant une capacité élevée et un stockage d'énergie très dense. Comprendre en détail les dégradations et les mécanismes de défaillance  permet de mieux les prévoir et les atténuer. 

Dans cette étude, une équipe de chercheurs dirigée par le CEA, l'ILL et l'ESRF  a examiné les batteries Li-ion pendant leur durée de vie en utilisant des techniques d'imagerie non intrusives de pointe disponibles  sur les sources de neutrons et de rayons X, respectivement l'Institut Laue Langevin (ILL), la source de neutrons la plus puissante au monde, et le Synchrotron européen (ESRF), le synchrotron le plus brillant. Les neutrons et les photons sont largement complémentaires. Les neutrons sont particulièrement efficaces pour observer le lithium et d'autres éléments légers, tandis que les rayons X sont sensibles aux éléments lourds, tels que le nickel et le cuivre. Leur combinaison sophistiquée a permis d'obtenir des informations multidimensionnelles sur les composants et les éléments à l'intérieur des cellules de batteries en fonctionnement.

Des résultats surprenants mais clairs

L'équipe a identifié des déformations macroscopiques dans la structure enroulée du collecteur de courant en cuivre. Les zones déformées existaient déjà dans des cellules de batterie neuves qui n'avaient subi que le cycle d'activation initial (le premier cycle de charge-décharge). Des investigations plus approfondies ont révélé que ces défauts sont dus à des accumulations locales de silicium se produisant lors de la fabrication des électrodes. Lors de l'activation, les plus gros agglomérats se dilatent fortement, ce qui entraîne des déformations du collecteur de courant et une perte de capacité avant même que la cellule ne soit utilisée.

Il a été possible de déterminer la taille critique à partir de laquelle ces accumulations deviennent problématiques : la structure et le fonctionnement des cellules sont compromis pour des agglomérats de silicium d'une taille supérieure à 50 microns. Il s'agit d'une information cruciale pour le contrôle qualité et les développements futurs. Erik Lübke, doctorant accueilli à l'ILL et principal auteur de l'étude, résume la situation : "en fait, des ressources sont gaspillées lorsque cela se produit, et nous avons quantifié les effets et compris leurs causes."

 

Une combinaison unique de techniques

La tomographie de transmission 3D haute résolution et plein champ a permis d'inspecter l'intégralité du volume de la cellule de batterie, révélant la présence de plusieurs anomalies. Ces dernières ont ensuite été examinées de plus près sur des coupes transversales 2D sélectionnées. Les analyses par tomographie neutronique (accompagnées simultanément de tomodensitométrie à rayons X de faible intensité) ont été réalisées sur l'instrument NeXT de l'ILL. Des analyses par tomographie à rayons X synchrotron des mêmes cellules ont ensuite été effectuées à l'ESRF en utilisant deux lignes de faisceau, BM05 et la ligne ID31 haute énergie respectivement pour la tomographie à contraste de phase et par diffusion.

Sur l'instument NeXT, la tomographie neutronique 3D haute résolution est couplée à la tomographie à rayons X pour obtenir une image de l'ensemble de la cellule. Erik Lübke explique que "les rayons X donnent la structure de base, ce qui permet  de savoir exactement où nous nous situons lorsque nous utilisons les neutrons pour examiner en détail la distribution spatiale du lithium " en bénéficiant de "la meilleure résolution neutronique que l'on puisse obtenir dans le monde ".

Certaines parties sélectionnées de la cellule ont ensuite été examinées plus en détail à l’aide de différentes techniques de tomographie à rayons X sur les lignes de lumière à haute énergie de l’ESRF. L'acquisition de données pendant le  processus de charge de la batterie (une expérience dite operando) a permis de recueillir davantage d'informations sur la dynamique de réaction dans les zones défectueuses : la diffusion du lithium y est partiellement bloquée, et même lorsque la majeure partie de la cellule est complètement chargée, ces zones restent dépourvues de  lithium en leur centre.

 

L'environnement idéal : le Grenoble Battery Hub et InnovaXN

Pour garantir la pertinence industrielle des résultats, l'équipe a testé des cellules de batteries cylindriques Li-Ion à base de silicium fabriquées selon les normes de l'industrie. Les cellules de ce format sont utilisées commercialement pour les petits appareils électroniques tels que les capteurs médicaux, les casques et les appareils connectés. Leur taille a toutefois été réduite pour une meilleure compatibilité avec les besoins expérimentaux. Des cellules neuves et des cellules vieillies (ayant subi plus de 700 cycles avec une capacité restante d'environ 50 %) ont été analysées, dans des états chargées et déchargées. Les différentes techniques ont été appliquées aux mêmes cellules.

Pour cette étude, travailler à Grenoble dans le cadre d'InnovaXN et du pôle Batterie s'est avéré décisif. La présence des partenaires industriels VARTA et MCL a permis de se concentrer sur des problématiques et des produits proches du marché, tout en bénéficiant du savoir-faire, de l'expertise et des installations expérimentales requises. Cela comprend les techniques de pointe et la puissance inégalée des sources complémentaires de l'ILL et de l'ESRF. Si les expériences se sont déroulées sur ces deux sites, l'Institut de Recherche Interdisciplinaire du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA-IRIG) a joué un rôle fondamental en faisant le lien entre les connaissances, les techniques, les méthodes d'acquisition et d'analyse des données.

Cette approche est au cœur du pôle Batterie créé à Grenoble par le CEA, l'ESRF et l'ILL. Cette plateforme européenne vise à diagnostiquer et analyser les batteries en utilisant des protocoles standardisés, intégrés et multi-techniques. Ces travaux s'inscrivent également dans le cadre de la thèse d'Erik Lübke, qu'il finalise actuellement dans le cadre du projet InnovaXN. Ce programme de formation doctorale financé par l'Union européenne implique 40 doctorants sur des sujets variés liés aux défis industriels. Ils exploitent tous les techniques de caractérisation avancées offertes par les grands instruments européens de Grenoble.

Liens et contacts

 Article scientifique  (en anglais)

Article sur la page web de l'ESRF (en anglais)

Communiqué de presse (en anglais)

Contacts ILL: Erik Lübke and Lukas Helfen

Partenaires: Institut Laue-Langevin, European Synchrotron Radiation Facility, CEA-IRIG, Grenoble (France), VARTA Innovation, Materials Center Leoben Forschung (Austria).